Avec Choke Enough, premier véritable album studio d’Oklou, la musicienne française Marylou Mayniel livre une œuvre d’une rare cohérence : une pop fragile, traversée de réminiscences médiévales, qui ose ralentir le tempo là où tant d’artistes cèdent au spectaculaire.
Une esthétique de la retenue
Là où Galore (2020) avait déjà installé Oklou comme une figure à part de la scène électronique européenne, Choke Enough enfonce le clou. La production, assurée aux côtés de Casey MQ, A. G. Cook et Danny L Harle, pourrait facilement verser dans l’hyperpop clinquante. Mais Oklou choisit une autre voie : celle de la sobriété émotionnelle. Les morceaux s’épanouissent dans l’espace, laissant la voix cristalline de la chanteuse hanter l’auditeur, presque comme un instrument à part entière.
Entre folklore et futurisme
Le disque puise sa singularité dans un dialogue constant entre ancien et moderne. “Take Me by the Hand”, en duo avec Bladee, en est l’exemple parfait : une trance-pop rêveuse, traversée d’arpèges qui rappellent autant la lyre antique que les synthés 2000s. “Harvest Sky”, peut-être le sommet du projet, mêle mélodie folk et pulsations eurodance dans une sorte d’hymne pastoral contemporain. Ici, l’imaginaire médiéval n’est pas posture : il sert de matière première à une écriture pop profondément personnelle.
Une pop de l’intime
Plus qu’un exercice de style, Choke Enough est un disque de vulnérabilité. Dans “Family and Friends”, Oklou transforme une ballade presque enfantine en confession universelle, là où “Obvious” condense toute l’esthétique du projet : dépouillement, douceur, mélancolie sans pathos. Il y a chez elle une façon d’assumer la fragilité, de la revendiquer comme une force artistique, qui rappelle certaines pionnières du R’n’B alternatif (FKA twigs, Kelela), mais avec une touche française indéniable.
Une maturité artistique affirmée
L’album est exigeant, parfois même ascétique : certains auditeurs chercheront en vain le refrain immédiat, la fulgurance radiophonique. Mais c’est précisément ce refus de céder aux codes faciles qui rend Choke Enough si précieux. Oklou ne cherche pas à séduire, elle propose un espace, un temps suspendu.
Verdict
Avec ce premier album, Oklou signe une œuvre de transition, à la fois contemplative et novatrice. Choke Enough n’est pas une collection de tubes : c’est une expérience sonore, un univers cohérent où se croisent polyphonies anciennes, textures digitales et récits intimes. Une proposition rare, qui confirme l’émergence d’une artiste prête à inscrire son nom parmi les voix incontournables de la pop contemporaine.